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Sunyata Zendo
31 octobre 2009

Voyage symbolique - Eclat de Lune


Premier chapitre - Rencontre avec le moine

                                                                             dogen

princesse Il y a bien des lustres vivait, dans une lointaine région de l'Empire du Milieu, une femme riche du nom d' « Eclat de Lune » qui avait eu sa part de tous les raffinements que la fortune peut offrir. Puis, s’étant trouvée lasse et insatisfaite, comme l’enfant dont le jouet a perdu tout attrait, trouvant la vie inconsistante et fade en raison du terrible ennui qu’éprouvait désormais son âme accablée de plaisirs, elle s’était tournée vers l’étude bouddhique. Elle s’était plongée dans d’anciens livres et de vieux parchemins tentant de raccourcir les heures en s’instruisant. Elle vivait désormais seule, ne voyant personne, écourtant les visites de ses amis qui ne faisaient que la troubler dans le cours de ses études. Installée comme à son habitude, sous les ombrages de son jardin, elle vint venir à elle un vieux moine mendiant qui, se tenant debout devant elle, lui demanda l’aumône. Ne cherchant pas plus d’explications sur sa présence ici, devant elle, au nez et à la barbe de ses gardes et d’un naturel aimable elle se fit apporter quelques pièces d’argent et souhaita au moine défroqué heureuse chance et bon voyage.

Mais le mendiant l’ayant chaleureusement remerciée de sa grande bonté lui dit :

« Ne mets pas une telle hâte à me congédier, ô généreuse princesse, de peur que je ne m’éloigne sans t’avoir payée de retour. Ce serait, en vérité, fort disgracieux de ma part, car tu m’as donné plus que je n’espérais recevoir ! »

« Eclat de Lune », se demanda intérieurement : « Que peut bien posséder ce vieil homme qui parle de récompense ? », lui sourit indulgemment et le laissa demeurer là, le regardant d’un air amusé du coin de l’œil et attendant la suite.

Le moine plongea son regard noir dans les yeux gris-bleus de la princesse, lui rendit son sourire et parla ainsi ;

« Ô toi qui cherche la Sagesse ! Apprends que les apparences sont trompeuses, et que la Vérité se présente souvent sous de très humbles vêtements – car elle est la propriété du pauvre autant que du riche. Sache également que le mot hasard n’est qu’un mot trompeur et sans aucun rapport avec la Réalité. Ce qui m’amène devant toi n’est nullement le hasard, mais la puissance du désir agissant à travers les forces de la Nature. Effectivement notre rencontre n’est que le résultat de ta soif de connaissances, et la générosité dont tu as fait  preuve à l’instant est le sésame qui me permet de te laisser franchir la première porte qui mène au Sentier secret de la Vérité. Car la Vérité que je te destine ne peut être atteinte que par un être au cœur vaste et à l’âme bienveillante – nul autre en effet ne saurait l’obtenir. »

Touchée par ces paroles, « Eclat de Lune » pensa : « Sûrement, je me suis trompée sur ce mendiant, car, malgré tout, il semble être un sage : c’est là la voix du savoir  et non de l’ignorance, qui parle par sa bouche ; je ferai bien de l’écouter et de tenir compte de ce qu’il a à me dire ».

Alors, de sa voix cristalline : « Ô moine, si riche en sagesse et si pauvre en biens, ne crois pas que je veuille te congédier sans t’avoir entendu ! Je te prie au contraire de t’asseoir et mes serviteurs t’apporteront de quoi te restaurer avant que tu ne reprennes ton pèlerinage, car tu as l’air d’un homme qui vient de loin et je te suppose très âgé ?»

Le moine prit donc place, croisa ses jambes et joignit les mains à hauteur de son visage en s’inclinant respectueusement. L’hôtesse, ordonna qu’on apportât des fruits, des gâteaux et du thé. Cela fait, elle fixa du regard le vieil homme attendant ce qu’il avait à lui dire.

Ce dernier après l’avoir une nouvelle fois remerciée lui dit ;

« Princesse, on ne peut arracher aux pages d’un livre que les tous premiers éléments de la connaissance. Si tu n’as pas compris au moins cela, ton étude, bien que longue et studieuse, sera vaine. La Connaissance Véritable, tu ne la trouveras que dans ton propre cœur, dont un lumineux désintéressement doit bannir toute obscurité. Ce que tu cherches tant, ne se trouve pas ici, en ton palais, au milieu de tes serviteurs, mais sur le sommet de la cime de la montagne noire où résident les Dragons Eternels, toujours prêts à faire part des inestimables trésors de l’éveil à ceux et celles qui ont de courage et de ténacité pour venir à bout de la grande ascension.

Or, comme seuls, les êtres dépouillés d’égoïsme obtiennent le droit de recevoir leurs lumières, l’une de leurs exigences est que tu n’entreprennes pas seule ce voyage, mais que tu conduises d’autres êtres. Si ces derniers en venaient à perdre courage et retournaient en arrière, te laissant achever seule ton voyage, les Dragons t’accueilleraient encore et ne t’en donneraient pas moins ta récompense.

Mais sache que le voyage est long et périlleux, néanmoins tu trouveras en chemin, villages et ermitages où tu séjourneras et qui seront pour toi des haltes reposantes. Au cours de chacune d’elles, tu apprendras à connaître une nouvelle facette du sentier qui est devant toi. Tu recueilleras ainsi un autre fragment de ce savoir qui sera  l’éveil  préliminaire à l’Eveil final, le but final.

Ce but il n’est autre que la découverte de la Pierre Noire au cœur de la caverne des Dragons de Sagesse. »

« Ô vénérable vieillard ! dit « Eclat de Lune », quoique ton corps soit émacié par le grand âge, ta parole a gardé l’énergie de la jeunesse et les mots coulent de ta bouche ainsi que ruisselet glissant vers l’océan de la sagesse ; aussi résonnent-ils à mon oreille comme l’accent de la vérité.

Mais tu demandes l’impossible, en exigeant que je cherche des compagnons pour un pèlerinage si long et si ardu ! »

Ne t’es-tu pas détournée de ces choses, qui écœuraient et affadissaient ton cœur, comme un excès de mets délicieux affadit le palais ? Et n’as-tu pas renoncé sans le moindre effort à ces jouissances qui n’étaient plus pour toi source de délices ? »

Où trouverai-je des êtres souhaitant un savoir par lui-même si étrange, et qu’en outre on ne peut obtenir qu’à un prix élevé ? Et puis lequel  d’entre eux me croira, si je leur annonce que, sur ces sommets se cache – sous la protectionde quelques démons – la Pierre Noire  dont ils n’ont jamais, et dont - il n’y a pas à en douter - ils ne se soucient guère ? Crois-tu que je rencontrerais autre chose que moquerie et dérision si je leur expose aussi chimérique projet ? Ta sincérité est certainement hors de tout soupçon, mais tes conditions sont trop difficiles.

Un énigmatique sourire erra sur le visage ridé du moine. « Ô femme ignorante ! Si les conditions que posent les Bodhisattvas étaient irréalisables, je ne serais, en vérité, pas venu gaspiller mon souffle en discours stériles et mensongers ; car, ne t’ai-je pas dit que je venais poussé par les inexorables décrets du Destin, répondant à tes propres aspirations – et non pas en vertu d’un hypothétique hasard ou de circonstances fortuites ?

Donc, avant de crier à l’impossible, prends garde, et entends ce que j’ai à te dire, car, à ton insu, tu as déjà rempli, sans que tu en aies conscience, quelques-unes des conditions que je ne t’ai pas encore totalement définies. »

Comme un des serviteurs se manifesta pour remplir à nouveau le bol du moine, il se tut jusqu’à ce qu’il se fut retiré. La brise était douce et légère et sous l'ombrelle pourpre la lumière tombante du soir irisait la longue chevelure brune d’ « Eclat de Lune ».

« Maintenant, je vais te dire de quelle manière tu t’es déjà engagé sur la Voie de la Sagesse : Ne t’es-tu pas rassasiée des festins, des belles robes et des riches ornements, de ton attrait pour les hommes et tous les pouvoirs sur ces derniers que t’octroient ta richesse et ta beauté ?

« Eclat de Lune », fixant le vieillard, répondit : « En vérité, j’ai agi comme tu dis ; mais quelle autre décision aurais-je pu prendre, étant donner que se cramponner à des délices qui n’en sont plus, serait le comble de la folie … Ce serait comme de vouloir serrer le vent entre ses bras. Je ne saurais voir un mérite à rejeter ce dont j’étais déjà lassée – tandis que j’y aurais eu mérite si cette action eût été contraire à mes désirs. »

« Eclat de lune » porta la fine porcelaine à ses lèvres qu’elle humecta de ce délicieux thé qu’elle faisait venir d’une lointaine contrée.Le jour s'achevait doucement et la fraicheur naissante la fit légèrement trembler.

Le mendiant sourit de nouveau, d’un sourire plein de malice ; « Ô innocente créature qui a pourtant absorbé une goutte de Sagesse ! Seule celle qui renonce sans effort a véritablement renoncé ; car s’abstenir d’une chose que l’esprit désire encore, c’est marcher sur l’arête d’un abîme, perpétuellement menacée d’être précipitée dans le vide. Or, à quoi serait bon ce cadavre à ceux qui enseignent la Sagesse ? Maintenant, réfléchis et sonde les recoins de ta mémoire : parmi tes connaissances, en est-il quelques-uns que tu puisses emmener avec toi dans ta quête de la Vérité ? S’il n’en est point que tu aimes encore, il en est peut être qui t’aiment, toi, et qui en vertu de cet amour, si  ce n’est pour d’autres raisons, te suivraient sur la sente haute. »

Puis le moine ayant pris a son tour une gorgée de thé se leva lentement et disant adieu à son hôtesse, extrêmement perplexe, reprit son bâton de pèlerin.

« Eclat de Lune » leva les yeux et composa ce poème :

                «                          "Sur un toit de tuiles grises  

                                                            La lune s’est posée

                                                           Fragment de verre".

Suite   Tigre Bleu

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