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Sunyata Zendo
31 janvier 2010

Voyage symbolique d'Eclat de Lune - Amour


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« Vent des Steppes » sortant des strates de ses rêves, ouvrit les yeux. Sa tête reposait doucement sur le ventre d’Eclat de Lune. Sur ces yeux encore pleins de sommeil, étaient fixés, tout près, des yeux bleus-gris, chauds et merveilleux. Il ne bougea pas, les chaudes prunelles sombres déversaient amoureusement sur lui leur lumière. Alors sous ses regards étonnés, elle se mit à sourire de façon si charmante que lentement lui-même sourit également. La bouche de la princesse s’abaissa sur ses lèvres entrouvertes. Ils se saluèrent dans un tendre baiser qui, tout de suite, irrésistiblement, éveilla en lui, le souvenir de sa première rencontre avec cette femme qu’il n’avait jamais cessé d’aimer depuis …

eclat1Mais le baiser n’en finissait point. La bouche d’Eclat de Lune s’attardait sur la sienne, poursuivait son jeu, taquinait, provoquait, et, finalement, elle s’empara de ses lèvres avec une avidité furieuse, prit possession de son sang, l’éveilla jusqu’en ses profondeurs et, dans un long jeu muet, elle se donna au guerrier, le conduisant doucement, le laissant chercher et trouver, excitant son ardeur et apaisant sa flamme.

Au-dessus de lui se tendit la brève et délicieuse béatitude d’amour qui s’embrasa dans l’éclat d’une flambée ardente, puis s’apaisa jusqu’à s’éteindre. Il demeurait là les yeux clos, la figure sur la poitrine de sa compagne.

Nul n’avait dit un mot.

« Eclat de Lune » gardait le silence, nouait ses doigts dans l’épaisse chevelure de « Vent des Steppes », le laissant ainsi, lentement revenir à lui. Enfin, il ouvrit les yeux, approcha sa bouche de l’oreille dissimulée sous les longs cheveux de jais et murmura ;

-         « Bi chamd kh … »

La princesse posa un doigt sur ses lèvres, puis d’une voix infiniment douce l’interrompit ;

-         « Tu sais, entrer en communication avec toi, aujourd’hui, est la chose la plus difficile  qu’il me soit donné de faire, il me faut du temps, trouver des voies d’accès, comme pour escalader une montagne … »

-         « Eclat », je ne demande rien, n’exige rien ! »

-         « Je parle souvent par images, parce que c’est ainsi que je perçois le mieux le monde et que je crois rendre compte au mieux du mien. Jadis, je                                             t’ai égoïstement rejeté, ne songeant  qu’à ma soif d’obtenir pouvoir et ascendant sur les hommes, et après la rencontre de ce moine errant –qui nous a conduit toi et moi jusqu’ici – c’est ma soif de Sagesse qui l’a emportée. Tout ce temps, je n’ai pensé qu’à moi seule ! Le Sort fut clément, qui m’offrit l’occasion de réparer mon erreur en t’envoyant une fois de plus vers moi. Malgré cela, je pouvais songer, encore, à te délaisser, à désavouer mon amour et commettre la même erreur que jadis – rejetant la leçon que, sans nul doute, je suis destinée à apprendre !      

Cela ne saurait être. Repousser ton amour m’apparaît aussi répréhensible que je le croyais louable autrefois …

N’avons-nous pas appris de « Dix Mille Années », que la Sagesse ne peut être acquise par la voie de l’égoïsme, ni au prix de la souffrance des autres ? Même si je devais me tromper, et que cette Suprême Connaissance ne me fût pas octroyée, ne vaudrait-il pas mieux l’attendre un peu plus longtemps que de la payer si chèrement ? »

Lorsque « Eclat de Lune » se tut, « Vent des Steppes » l’enserra de ses bras puissants comme s’il ne pouvait plus la laisser aller, et lui dit ;

-         Peut –être, « Eclat », pourrais-tu faire part à « Dix Mille Années » des pensées qui te préoccupent ? …

                                                             

eclat3Un peu plus tard dans la journée, « Eclat de Lune » se rendit auprès de son maître, se perdant en suppositions sur ce qu’il lui dirait. Elle se rappelait qu’un jour, « Dix Mille Années » l’avait conseillée à cet égard, il avait dit, alors : « La séparation est le meilleur remède à la passion ».Donc, il n’avait pas jugé exclue l’idée d’une séparation entre elle et « Vent des Steppes » … Hors, en vérité, après ses nombreuses journées vécues dans la plus proche et douce intimité, cette sombre pensée était comme un dard empoisonné atteignant en elle-même son cœur aimant et généreux. Mais, ses réflexions s’arrêtèrent net car, elle aperçut le Sage qui la voyant s’approcher, lui fit un signe de bienvenue.

Après les salutations d’usage, La princesse conta son histoire, ses doutes et ses craintes. Elle demanda à son maître, les conseils de son expérience, le réconfort et le pardon, car elle se savait faible et plus que jamais accessible au désir, tout en aspirant sans cesse à être forte. Elle acheva par ces mots ; « S’il s’agit encore d’une « épreuve », que vous avez imaginé pour moi, je crains, cette fois-ci d’y succomber. »

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« Dix Mille Années » la regarda un moment sans parler, avec amour et compassion, puis il dit d’un ton mesuré : « Petite ! Les sages avancent avec lenteur et sans passion, n’exigeant pas trop d’eux-mêmes, se contentant de marcher tant qu’ils ne sont pas aptes à courir – et encore moins à voler !

Celui, ayant appris, dans sa tolérance à ne rien exiger des autres, a, tout au moins, le droit de ne pas demander de lui-même ce qui est totalement impossible ainsi que tu le fais, en réalité, car tu voudrais contrecarrer les plus puissants instincts de la Nature, sans avoir ni le savoir, ni le pouvoir d’accomplir une tâche aussi prodigieuse !

Vois-tu, c’est bien ton manque d’humilité qui t’incite à t’estimer plus forte que tu ne l’es. En vérité,je te le dis, la perfection ne peut s’atteindre en un jour, ni même en quelques mois ou années, ni même, le plus souvent, dans l’espace d’une vie. Tu méconnais, en outre, la nature du problème – qui ne consiste pas à anéantir la passion en l’étouffant, mais bien plutôt à la purifier en la contrôlant. Car, il y a trois manières de céder à la passion : la première est la satisfaction égoïste et exclusive du désir sexuel, qui ne tient aucun compte du bonheur ni du bien du partenaire : c’est la passion la plus basse, puisqu’elle est privée de l’influence merveilleuse  de l’amour, et du détachement.

La seconde est le désir d’union physique avec l’homme que l’on aime, mais là, encore, dans l’acte sexuel, c’est son propre plaisir que l’on recherche avant tout. La troisième, qui est le plus haut degré de la passion, est celle où l’on ne pense plus à soi, mais uniquement au bien et à la joie de l’être aimé, accomplissant le geste de la passion moins pour le plaisir des sens qu’en tant qu’expression de l’amour sur le plan physique, ou, en d’autres termes, afin de donner la vie à un être nouveau …

Tu vois donc qu’il ne s’agit pas, en l’occurrence, d’une « épreuve » issue de ma propre invention, mais d’une situation qui relève de la nature même du monde … Et qui peut te permettre de régler « ta dette », couper ton karma définitivement. Abandonner une seconde fois celui que tu aimes, ce serait, non seulement oublier cette dette, mais en contracter une autre, bien plus lourde … Toutefois, veille à apprendre la leçon entièrement ! »

-         Ô Maître ! dit alors « Eclat de Lune », je me sens consolée et éclairée par tes paroles, et remplie de gratitude. Dis-moi pourquoi j’ai lu, dans d’anciens écrits, que l’ascétisme absolu du corps est essentiel à la poursuite de la Parfaite Sagesse ? »

-         « Dix Mille Années » sourit ; «C’est que le monde, dans sa recherche effrénée du Désir, essaie par tous les moyens de l’exaspérer, au lieu de le laisser suivre son cours normal. Qui pourrait, ou voudrait s’occuper des choses de l’esprit tant qu’il est absorbé par les choses de la chair ? Sachant qu’il en est ainsi, des auteurs anciens insistèrent sur la nécessité de la continence, conseillant par là la modération et la pureté de la vie, mais non la torture du corps sous forme de tentatives, d’ailleurs vaines, de renonciation à des appétits naturels. Agir ainsi, se n’est pas se défaire du désir – mais le fixer, au contraire dans le subconscient et donc porter la folie à son paroxysme, puisqu’il devient alors une obsession et ensemence notre destinée ! »

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Ecoute encore ; «La pureté du cœur agit, sans nul doute, sur celle du corps. La femme qui étreint celui qu’elle aime dans un sentiment de dévotion exempt d’égoïsme ne perd rien, dans cette union, de son pouvoir spirituel et n’en éprouve ni lassitude, ni réaction pénible. Celle qui, au contraire, n’accomplit cet acte que pour son seul plaisir, et sans nul sentiment dans son cœur impur et vide d’amour, affaiblit et lèse son corps tout autant que son esprit. Ma morale est donc celle-ci : « En chacun de tes actes, de quelque nature qu’il soit, apporte la pureté et l’amour ; là, réside le secret de la santé et de l’harmonie du corps, aussi bien que de l’âme. »

« Eclat de Lune » se leva et baisa avec reconnaissance la main de « Dix Mille Années ». « En vérité, dit-elle, les voies des sages sont merveilleuses et toujours riches d’encouragement : jamais ils n’exigent de nous l’impossible – ceci, contrairement aux inclinaisons du monde, qui n’est qu’hypocrisie et néant. Mon cœur se sent allégé et fortifié, et peut poursuivre sa tâche. »

- Une dernière chose ; «Vent des Steppes » et toi-même allaient bientôt me quitter pour rejoindre un anachorète qui vit plus en hauteur dans une grotte. Je vous ai dit tout ce que j’étais autorisé à vous dire, votre futur instructeur est un solitaire, rebelle et orageux …

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La princesse prenant congé, regagna le pavillon des grenouilles.

Voyage d'Eclat de Lune

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